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Costa-Gavras: ‘Merci à la Golden Globes Foundation Pour Son Soutien’

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De grands acteurs américains comme Dustin Hoffman et John Travolta tout comme des légendes du cinéma français telles que Yves Montand et Simone Signoret ont tourné sous sa direction.

A 91 ans, Costa-Gavras est l’un des réalisateurs les plus respectés et réputés du cinéma mondial. Président de la Cinémathèque Française qui est à l’origine de ce projet, il nous parle en exclusivité de la restauration du 1927 film “Napoléon” d’Abel Gance dont la première partie a été projetée en avant-première mondiale au Festival de Cannes 14 mai, juste avant la cérémonie d’ouverture officielle de cette 77eme édition.

Pourquoi avoir choisi de lancer ce grand projet de restauration du “Napoléon” d’Abel Gance ?

J’ai toujours pensé que la Cinémathèque Française devait avoir de grands projets notamment dans la préservation des grandes œuvres du 7e art. Mais il m’a fallu des années avant de pouvoir concrétiser ce projet. C’est bien simple, j’ai été nommé pour la seconde fois président de la Cinémathèque Française en 2007 et nous n’avons commencé le travail sur la restauration de “Napoléon” quand 2017. Ce que je n’avais pas réalisé en lançant cette idée c’était le travail colossal qu’il y avait à exécuter à tous les niveaux, à commencer la recherche des bobines du film. Nous avons engagé le chercheur et réalisateur Georges Mourier qui se passionne pour cette œuvre d’Abel Gance depuis des décennies. Il l’avait connu à la fin de sa vie avant le décès de Gance en 1981. Il a fait le tour du monde pour réussir à trouver des bouts de pellicules car le montage original avait totalement disparu. Il nous aura donc fallu sept ans pour arriver à compléter cela avec le soutien du CNC et du ministère de la Culture.

Selon vous, pourquoi est-ce un film majeur de l’histoire du 7eme art ?

Quand j’ai fait mes études à l’école du cinéma on parlait énormément d’Abel Gance. C’était un personnage extraordinaire qui était encore vivant quand j’étais élève. On le voyait donc ici ou là et il préparait d’autres projets. Mais disons qu’il était un peu folklorique et pas encore considéré comme un grand metteur en scène.  Quand j’ai vu “Napoléon” pour la première fois, des années plus tard, j’ai eu un choc. C’était dans les années 80 au palais des congrès de Paris dans une salle de 3500 places. Les gens étaient enthousiastes et c’était bouleversant. La version de l’époque faisait 4h40 et avait été faite par Kevin Brownlow, un grand historien sur l’histoire du cinéma muet.

Quel a été le défi le plus important pour restaurer ce film ?

Les défis ont été multiples. Je dois bien sûr vous parler du financement de cette restauration qui a coûté plus de 2.5 millions d’euros. L’aide financière de la Golden Globe Foundation a été plus que précieuse pour réussir à exécuter ce travail titanesque. Merci pour ce soutien. Comme je vous le disais, Mourier a fait un vrai travail de détective pour retrouver ce qui existait encore, en dehors des archives de la Cinémathèque française. Et tout était en très mauvais état. De l’Allemagne à l’Italie en passant par le Danemark et l’ex-Yougoslavie, il y avait des bouts de pellicules un peu partout et cela a été un vrai travail d’orfèvre pour reconstituer l’œuvre. L’autre énorme défi a été la musique. Le compositeur franco-américain Simon Cloquet-Lafollye a imaginé une nouvelle partition en utilisant plus de 140 morceaux de musiques classiques qui se mêlent parfaitement aux images dont la Symphonie héroïque de Beethoven ou encore la Marseillaise orchestrée par Berlioz.

En tant que réalisateur, qu’est-ce qui vous semble admirable dans la mise en scène de ce Napoléon ?

Tout. “Napoléon” est l’un des derniers films muets puisqu’il est sorti quelques mois avant l’apparition du cinéma parlant mais il reste un chef d’œuvre mondial, notamment pour ses nombreuses innovations dans la mise en scène. Notre chance a été de retrouver dans les archives de la Cinémathèque à Paris un scénario de montage fait par Abel Gance lui-même. Bien plus qu’une restauration, c’est donc une reconstruction tel que Gance l’aurait souhaité puisque nous avons suivi page après page ce qu’il avait rédigé pour la version ultime de son film. En tant que réalisateur, ce que j’apprécie le plus dans cette œuvre c’est que ce Napoléon n’est pas l’histoire historique mais une version rêvée par Abel Gance. Il y a des vérités historiques dans le film mais c’est avant tout sa passion que l’on voit à l’écran. C’est très personnel, très poétique et c’est ça que je trouve admirable.

Que peut-on dire des deux soirées exceptionnelles que vous préparez pour les 4 et 5 juillet à Paris à la Scène Musicale autour de Napoléon ?

C’est un événement unique car le film n’a jamais été montré de la sorte. Cela sera un ciné-concert symphonique exceptionnel avec plus de 250 musiciens sur scène. Abel Gance n’avait pu montrer qu’une moitié de son film à l’opéra Garnier à l’époque même cela avait été un succès colossal. Depuis on l’a coupé en morceaux. En Amérique, la version qui avait été présentée à l’origine ne durait qu’une heure et demie, vous imaginez donc tout ce qui avait été abandonné par rapport à l’original. C’était une catastrophe ! Les 4 et 5 juillet à la Scène Musicale de Boulogne-Billancourt, nous aurons l’Orchestre National de France, l’Orchestre Philharmonique de Radio France et le Chœur de Radio France, sous la direction de Frank Strobel, qui accompagneront en musique ce film-opéra. La première partie de 3h40 sera projetée le 4 juillet et la seconde partie de 3h25 le lendemain, 5 juillet.

Avez-vous réussi à conserver le triptyque final du film ?

Bien sûr et cela a longtemps été l’un des défis pour organiser une projection de ‘Napoléon’. Il était impossible de trouver facilement de salles de cinéma avec 3 projecteurs pour les 20 minutes finales où l’action se déroule sur 3 écrans simultanément.

Est-ce que la version restaurée de ce chef-d’œuvre sera présentée dans d’autres festivals ou d’autres lieux à travers le monde ?

C’est mon objectif. Mon idée est d’organiser des projections-concerts dans plusieurs pays en diffusant le film sur grand écran avec un orchestre qui joue en direct dans la salle. Plus tard, Napoléon sera disponible sur Netflix puisque la plateforme est aussi l’un de nos partenaires dans le financement de cette restauration.

Vous êtes président de la Cinémathèque Française depuis plus de 15 ans et vous organisez en ce moment à Paris une exposition autour des œuvres de James Cameron, pourquoi ?

J’ai toujours pensé que la Cinémathèque devait être un lieu ouvert au grand public. Il y a des années nous avions monté une exposition autour de Louis de Funès, un acteur très célèbre pour ses films comiques. Cela avait été un énorme succès. On réfléchissait à une autre idée et j’ai simplement écrit à James Cameron pour lui demander si cela pourrait l’intéresser d’exposer ses croquis, peintures, costumes, accessoires et autres objets de ces films mythiques. Il m’a répondu “banco” et cette exposition “L’art de James Cameron” est à visiter à Paris jusqu’au 5 janvier 2025.

Est-ce que votre rôle à la Cinémathèque ne vous empêche pas de vous lancer dans de nouvelles mises en scène ?

Non car j’aime prendre mon temps avant de filmer un nouveau projet. J’ai besoin d’écrire et de réaliser uniquement lorsqu’un sujet me touche profondément ce qui est le cas dernièrement. Pour moi un film doit être une histoire d’amour car j’y investi deux ans ou plus de ma vie. Au lieu de me freiner, la Cinémathèque est quelque chose qui me stimule car ce rôle de Président me permet de voir énormément de films qui me donnent encore plus envie de réaliser moi-même. Dans notre société moderne tout va très vite, trop vite, alors que la Cinémathèque permet de projeter des films des 4 coins du monde qui pourraient passer totalement inaperçus sans cela.

De Yves Montand à Romy Schneider en passant par Jack Lemmon ou encore Sissy Spacek, vous avez tourné de grands films tels que ‘Z’, ‘L’aveu’, ‘Missing.’ Vos longs métrages réalisés il y a plusieurs décennies semblent encore d’actualité. Qu’en pensez-vous ?

Oui je le pense. Au début des années 80, j’ai réalisé “Hanna K” qui était sur les problèmes israélo-palestinien. A l’époque, j’avais été critiqué et l’on me disait que je ne savais pas ce dont je parlais alors qu’il y avait déjà des éléments évidents et que l’on retrouve dans la situation actuelle au Proche-Orient.

À quand le retour de Costa-Gavras derrière la caméra ?

C’est la première fois que j’en parle mais je viens tout juste de terminer le tournage de mon nouveau film et je suis actuellement en post-production pour espérer une sortie sur grand écran cet automne.

Que pouvez-vous nous en dire ?

Sans vouloir entrer dans les détails car c’est trop tôt, je peux vous dire que le sujet est la vie et la mort. Il y a de grands débats en France actuellement sur des lois pour assister à la fin de la vie Beaucoup de gens refusent d’en parler alors que nous y passons tous un jour. Le plus important est d’avoir une mort digne. En parler, même quand on est jeune, permet d’accepter cette étape-là. Nous ne sommes pas éternels, il faut penser aux autres et notre société a besoin de se pencher sur cela.

Pour finir, le réalisateur Park Chan-Wook prépare un remake de votre film de 2005, “Le Couperet.” Quelle a été votre réaction ?

Il m’a contacté pour me demander mon autorisation et j’ai tout de suite accepté car je trouve l’idée intéressante d’avoir ce grand réalisateur coréen qui va adapter cette histoire autour du chômage et des drames humains que cela entraîne.